Compte-rendu de la correspondance par mail avec le Dr Teixeira, Directrice de Recherches CNRS de l’Institut de Biologie Physico-chimique de Paris.
La réactivation de la télomérase est-elle une cause ou une conséquence de l'oncogenèse ?
"Le cancer est une maladie multiforme. Chaque cas correspond à une histoire, souvent longue mais unique, d'accumulation de modifications génétiques. Ainsi, chaque cancer est différent d'un autre et de là vient une des grandes difficultés pour lutter contre cette maladie. Pourtant, les scientifiques ont essayé de rechercher malgré tout des dénominateurs communs. La réexpression de la télomérase est une des 4 modifications génétiques nécessaires à la transformation d'une cellule normale en une cellule cancéreuse. C'est-à-dire que sans maintien des télomères, il n'y a point de prolifération indéfinie.
Mais, on ne pense pas que la réactivation de la télomérase soit le point de départ. On pense plutôt que le dépassement de ce que l'on appelle "les points de contrôle" ("checkpoints" en anglais) précède la réactivation de la télomérase. Ces checkpoints sont activés si la cellule est en difficulté ou si ses télomères sont trop courts (les télomères envoient des signaux qui activent ces checkpoints qui font arrêter le cycle cellulaire et donc les divisions cellulaires). Si les checkpoints sont mutés, la cellule ne s'arrête pas en cas de problème et ceci va provoquer la prolifération cellulaire en situation d'instabilité génomique. La cellule s'emballe et il y a de plus en plus de mutations. Beaucoup de cellules meurent alors, mais quelques-unes survivent car au milieu de la confusion, elles ont réussi à réactiver la télomérase (dans la plupart des cas, cette stabilisation correspond à une mutation elle-même au niveau des régions régulatrices du gène de la télomérase). Les télomères étant stabilisés, la cellule se divise plus facilement (les chromosomes, bien qu'altérés, vont mieux se ségréger et moins se casser, etc...)
Les checkpoints, par ailleurs, sont un ensemble de protéines spécialisées dans la détection des problèmes en particulier génétiques (ADN cassé, modifié chimiquement etc...) qui vont arrêter le cycle cellulaire afin de laisser le temps à la cellule d'activer le système de réparation de l'ADN endommagé. Les checkpoints sont donc codés par des gènes qui peuvent eux-mêmes être mutés en cas d'exposition à des carcinogènes (= gène p53, p16 …)
Il existe des personnes qui portent des mutations dans ces gènes. Ce sont des maladies génétiques rares. Ces individus sont plus susceptibles de développer des cancers. Des personnes mutées dans le système de réparation de l'ADN endommagé sont aussi plus susceptibles de développer des cancers. C'est le cas notamment de certaines femmes issues de familles où il y a des cas de cancer du sein. Un exemple est Angelina Jolie.
Pour résumer:
Les checkpoints sont comme des agents de vérification qui donnent leur accord à la cellule de continuer à se diviser. Si les télomères sont courts (cellule âgée) ou si la cellule a accumulé des problèmes (exposition aux UV, à la fumée du tabac ou autres carcinogènes) les checkpoints jouent le rôle de gardiens qui disent « STOP ». Si on les court-circuite car ils sont dépassés ou parce qu’ils sont mutés par accident (ce qui arrive avec l'exposition à des carcinogènes), la cellule va se diviser malgré les problèmes et le système s'emballe et accumule de plus en plus de mutations. La réactivation de la télomérase va permettre à la cellule de pérenniser cette situation. »
Pourquoi les cellules saines ou cancéreuses réactivent-elles la télomérase ?
« Chez l'homme (mais pas chez tous les mammifères, il faut le savoir), la télomérase n'est active qu'au stade embryonnaire, dans les cellules germinales et puis dans les cellules souches (ou certaines, du moins). La télomérase est aussi réactivée dans les cellules du système immunitaire (lymphocytes) dans le cas d'activation par des infections, par exemple. Des individus mutés pour la télomérase décèdent en premier lieu de problèmes liés à la moelle osseuse... (Dyskératose congénital, maladie génétique très rare). Ceci montre à quel point la télomérase est nécessaire: pour la survie à long terme des espèces et le renouvellement des tissus hautement prolifératifs. La longueur des télomères, qui dépend du statut de la télomérase, définit le potentiel prolifératif des lignées cellulaires. »
Pourquoi ne trouve-t-on pas de télomerase pendant l'âge adulte ?
« Chez l'homme la télomérase est présente à l'âge adulte que dans les cellules des organes qui ont un besoin de renouvellement. Ainsi la plupart des cellules souches des organes expriment la télomérase. La télomérase est aussi active dans les cellules précurseur des cellules germinales (ovocytes et spermatozoïdes). Dans les autres tissus, par contre en étant réprimée, les télomères vont se raccourcir progressivement. Lorsqu'ils deviennent trop courts, un signal est envoyé au cycle cellulaire qui détermine son arrêt. Dans certains tissus, ceci se traduit par arrêt de prolifération et la mise en place d'un programme spécial : la sénescence réplicative. Dans d'autres tissus, les cellules meurent. Ainsi, la répression de la télomérase permet de réguler le nombre de divisions que peut faire une lignée cellulaire. On pense que ce système ait pu être sélectionné au cours de l'évolution afin de permettre un vieillissement tout en contrant l'apparition de cancers. En fait, on peut même spéculer que le vieillissement est la contrepartie pour préserver des cancers. »
« Mais dans beaucoup d'espèces autres que l'homme la télomérase est toujours présente, ex: la souris. Par contre chez la souris, il y a beaucoup plus de cancers que chez l'homme … »
Comment les cellules saines ou cancéreuses réactivent-elles le gène de la télomérase ?
« C'est encore un sujet de recherche très actif. La régulation de certains gènes est simple. Malheureusement, ceci n'est pas le cas de la télomérase... »
A la suite de nos recherches, nous avons vu un documentaire expliquant que les scientifiques ont pu tuer des cellules cancéreuses en culture grâce à une injection de télomérase défectueuse.
Nous en sommes venus aux questions suivantes : En quoi la télomérase est-elle défectueuse ? Pourquoi pousse-t-elle les cellules cancéreuses à se suicider.
« Il y a beaucoup d'essais en cours à ce sujet-là. Pouvez-vous me donner vos références afin que je puisse mieux vous éclairer ? "
Compte rendu de notre rencontre avec le DR Belaud-Rotureau au service de cytogénétique du CHU de Rennes le 27/12/2013.
Dans le cas de cancer, on peut constater que le taux de télomérase est plus élevé que la normale. On remarque que plus le taux est élevé, plus le cancer est à un stade avancé. Cependant, on ne peut pas dire que cette élévation du taux de télomérase peut permettre de poser un diagnostic.
Comparaison : La télomérase serait comme les pneus larges d’une voiture, certes ils permettent de mieux faire avancer la voiture mais ce n'est pas les pneus qui font avancer la voiture c’est le moteur : Les anomalies dans l’ADN.
Lorsqu’une cellule subit une mutation qui entraîne une anomalie de l’ADN, elle meurt mais certaines mutations leurs permettent d’acquérir de nouvelles capacités comme les divisions rapides, la capacité d’envahir les organes alentours, ou encore l'immortalité (télomérase). Le milieu de vie de la cellule décide de l’avantage ou non de la mutation. Ces mutations avantageuses rendent les cellules plus fortes.
Comparaison : On considère une personne qui a subi la mutation « bikini » et une autre qui a subi la mutation « manteau de fourrure ». Si les deux personnes sont à la plage, on peut dire que « bikini » est une mutation avantageuse comparé à « manteaux de fourrure ». Et inversement si on est au pôle nord.
On peut donc en conclure que suivant les mutations et l'endroit ou la cellule subi la mutation, celle-ci peut être avantageuse ou non.
La cellule mère est appeler cellule « clone ». Toutes les cellules cancéreuses descendent de la cellule clone.
Mise en place d’une prolifération variée
Le temps entre chaque apparitions de mutations est différent selon les cancers et peuvent varier de quelques mois à plusieurs années.
Pour soigner le cancer, les médecins sont confrontés à plusieurs approches selon le type de cancer.
On parle de tumeur solide quand on peut estimer sa taille. Pour les soigner, la première approche est la chirurgie puis la chimio thérapie et/ou radiothérapie. La chimio a une action prépondérante sur les cellules qui se divisent rapidement mais elle agit aussi sur les cellules normales, d’où les effets secondaires. Il existe une deuxième approche, qui va agir uniquement sur la « driver mutation » *, l’anomalie directrice. En bloquant cette mutation, la cellule meurt. On peut bloquer cette mutation grâce à une drogue spécifique à chaque type de « drivers mutation » qui inhibe la mutation.
Pour les tumeurs liquides dont on ne peut pas estimer sa taille (leucémie…), la chimio thérapie et/ou la radiothérapie sont les seules approches.
Il peut arriver que certaines familles soient plus sujettes à certains types de cancers. On parle de gènes de prédisposition. (Angélina Jolie)
Exemple du gène p53 qui permet le contrôle des différentes transitions pendant l’interphase :
Allèle non muté Allèle muté
Paire de 2 chromosomes portant le gène p53.
Si dans toutes les cellules (somatiques et germinales) de l’un des parents, un des allèles du gène est muté ou défectueux, il transmet donc l’anomalie à l’enfant. Le parent et ses descendants ont donc plus de chance d’avoir un cancer puisque une seule mutation suffit alors qu’une personne ayant 2 allèles non mutés aura besoins de 2 mutations.
Le taux de télomérase élevé n’est pas une conséquence du cancer ni une cause mais plutôt une étape de l’oncogenèse. On ne peut pas dire que l’inhibition de la télomérase est une solution d’avenir dans le processus de guérison du cancer puisqu’elle est présente en petite quantité dans chaque cellule.
Il existe plusieurs sous-groupes de cancer. Par exemple, les personnes atteintes du cancer du poumon ne réagissent pas toutes de la même manière face au traitement. Cela mène à une prise en charge plus personnalisé du patient.
Différents types d’anomalies : Anomalies sur les gènes et d’autre dans le gène.
Comparaison : Si on compare le génome d’un individu à une grande bibliothèque, la cytogénétique permet de mettre en évidence une étagère mal placé, une armoire ou un livre abîmé. Cependant l’analyse cytogénétique ne peut pas mettre en évidence les anomalies présentes dans le livre lui-même. D’où l’intervention de la biologie moléculaire.
Au début de la vie sur terre, il n’y avait pas d’oxygène. Quand l’oxygène est apparu, les êtres vivants n’étaient pas capables de survivre car l’oxygène est une molécule agressive (oxydation). Cependant certaines bactéries étaient capable d’utiliser l’oxygène combiné à du sucre pour créer de l’énergie. Les cellules sont rentrées en symbiose avec les bactéries. Après plusieurs millions d’années ces bactéries sont devenues les mitochondries d’où la présence d’ADN dans les mitochondries.
Les cellules sont reliées les unes aux autres. Dans le cas des cancers, ce qui permet aux cellules de rester coller les unes aux autres a disparu. Elles sont donc « libérées » et peuvent migrer vers d’autres organes.
Compte rendu de notre entretient avec la biologiste Gwenola Gandon au centre Eugène Marquis à Rennes.
Les télomères sont des séquences répétitives de base de nucléotides qui varient selon les espèces, TTAGGG chez l’homme, présents à l’extrémité de l’ADN. Ils sont présents tout au long de la vie d’une cellule mais elles sont visibles seulement lorsque l’ADN est sous forme de chromosomes. Ils ont pour fonction de préserver le patrimoine génétique stable.
Si les télomères raccourcissent à chaque division, c’est à cause de l’ADN polymérase qui ne copie pas en intégralité le deuxième brin d’ADN. Pour que l’ADN polymérase copie le deuxième brin, il faut une amorce. Or si sur les télomères il n’y a pas suffisamment d’amorces, l’ADN polymérase « oublie » quelque bases qui à force font raccourcir les télomères.
Les télomères sont recouverts d’une protéine « shelterine » qui protège comme un chapeau les télomères. Lorsque les télomères sont trop court, la « shelterine » ne peut plus se fixer correctement sur les télomères. Si la cellule continue de se diviser, les télomères continuent de raccourcir jusqu’à leurs totales disparitions, l’ADN polymérase pensera que les extrémités « brutes » des télomères est une cassure du brin d’ADN. Pour réparer ce soi-disant brin d’ADN cassé, les extrémités des chromosomes fusionnent en eux. Cela entraîne une instabilité génétique.
Pour éviter cette instabilité, la cellule reçoit plusieurs signaux. Lorsque la « shelterine » ne peut plus se fixer sur les télomères, un signal est envoyé à la cellule qui rentre alors en sénescence. Elle arrête donc de se diviser et peut rentrer en apoptose puis mourir. Si malgré, ce signal, la cellule continue ses divisions, la cellule subit alors de nombreuses divisions dût à une instabilité du génome. Puis, une réponse aux dommages de l’ADN (DDR = DNA damage reponse) est activée lorsque la taille des télomères devient critique elle envoye un deuxième signal à la cellule. Si ce deuxième message est ignorer ou dysfonctionne, l’instabilité génétique est de plus en plus importante, provoquant de nouvelles mutations. La cellule est en crise et peut devenir cancéreuse.
Parallèlement, le gène de la télomérase, bien qu’il soit présent dans le patrimoine génétique, n’est pas exprimer dans toutes les cellules. En effet, on ne trouve de la télomérase que dans les cellules dont il est nécessaire d’avoir un renouvellement cellulaire comme pour les cellules germinales, les cellules souches, les cellules de la moelle osseuse. Ainsi les cellules somatiques n’expriment pas la télomérase. Cette in expression est dût au fait qu’un gène qui contrôle le gène de la télomérase produit une molécule qui se loge sur le promoteur du gène de la télomérase en empêchant celui-ci de produire de l’ARN et donc des protéines qui rallongeraient les télomères.
Lorsque qu’une cellule connaît une forte instabilité génétique et qu’elle subit de nombreuses mutations, elle peut réactiver la télomérase en ayant subi une mutation du gène producteur de la molécule inhibitrice qui ne pourra plus se fixer sur le promoteur du gène.
Pour résumer le raccourcissement des télomères peut entraîner dans certain cas une forte instabilité génétique provoquant le ré-expression de la télomérase et ainsi la formation de tumeurs malignes « immortelles ».
Plusieurs études sont mené sur l’utilisation de cette ré-expression de la télomérase pour soigner le cancer. Il existe maintenant plusieurs molécules agissant soit sur le gène de la télomérase ou directement sur les télomères des cellules cancéreuses reconnaissables par une caractéristique précise.
Il existe aussi l’immunothérapie qui consiste à prélever des globules blancs du patient atteint d’un cancer. On « dope » ces globules bancs qui vont développer une réaction immunitaire contre la tumeur. C’est le même principe que la vaccination.
Il faut aussi préciser que la limite de Hayflick ne s’applique qu’à certaines cellules.