Télomérase et cancer
Durant ce TPE, nous travaillerons principalement à l’échelle cellulaire.
Ce schéma vous permettra de mieux vous y retrouver.
Les cellules ont la capacité de se diviser et de transmettre dans chaque cellule-fille le même patrimoine génétique*, c'est ce que nous appelons la mitose. Nous vous invitons à regarder la vidéo suivante afin de comprendre ce mécanisme.
Avant les années 1950, les scientifiques pensaient que la mitose était un phénomène sans fin. En d'autres termes, les cellules pouvaient se diviser autant de fois qu'elles le voulaient.
Cependant, le scientifique Hayflick a démontré le contraire. En cultivant des cellules in vitro* dans un milieu sain et en étudiant leurs comportements, il a découvert que certaines cellules somatiques* spécialisées ne se divisaient en moyenne que 45 fois, puis rentraient en sénescence*. Ces cellules sont alors éliminées par le système immunitaire. Cette étude a permis de prouver que certaines cellules ne sont pas immortelles.
Hayflick va plus loin dans ses expériences : il veut savoir ce qu'il se passe si nous congelons ces cellules. Il commence par cultiver des cellules jusqu'à leur 40ème division. Puis, il les congèle. Après quelques mois, il les décongèle et compte le nombre de divisions que les cellules effectuent.
Les résultats sont les suivants : les cellules ne se divisent que 5 fois avant de s’arrêter. Il en déduit donc qu'il est impossible de remettre "à zéro" le nombre de divisions possibles. Ce nombre est nommé "limite de Hayflick".
Nous pouvons conclure qu'un mécanisme comptabilise le nombre de divisions jusqu'à la limite de Hayflick. Quelques années plus tard, il est découvert que cette limite est contrôlée par l'extrémité de notre ADN*, les télomères.
Les télomères sont des séquences répétées de nucléotides* - "TTAGGG" pour l’Homme - qui "s’enroulent" autour de l’extrémité de l’ADN afin de stabiliser l'ADN. Un ensemble de protéines vient alors se fixer sur les télomères afin de les protéger. Ces protéines sont nommées shelterines.
Car si deux brins d’ADN sont laissés "brut", l'ADN polymérase* reconnaît l'extrémité "brut" de l'ADN comme une cassure du brin. Les deux extrémités des chromosomes vont alors s'assembler pour réparer la cassure. Cette réparation entraîne une très forte instabilité génétique qui pourrait conduire à la mort de la cellule. Les télomères sont là pour empêcher cette réparation.
Lors de chaque réplication*, l’ADN polymérase a besoin d'une amorce pour reproduire le nouveau brin d'ADN. Ces amorces sont réparties régulièrement sur la molécule d'ADN.
Cependant sur les télomères, les amorces sont mal réparties : elles sont trop espacées. L’ADN polymérase n'a alors pas la capacité de répliquer toutes les bases.
L’ADN polymérase "oublie" quelques bases. Ce sont ces oublis qui font raccourcir les télomères. Leur longueur est réduite d'environ 125 pb* à chaque mitose. On peut, grâce à un calcul, trouver la taille limite des télomères. En sachant qu'un individu nait avec une longueur de télomères de 10 000 pb environ, nous faisons le calcul 45 x 125 ce qui nous donne 5 625 pb. On soustrait alors ce chiffre à la longueur initiale des télomères soit 10 000. Cela fait donc 10 000 - 5 625 = 4 375 pb, soit environ 4 000 pb. On en déduit donc que la longueur minimale des télomères est d'environ 4 000 pb. Notre calcul est vérifié. Effectivement, les télomères d'un homme âgé de 80 ans mesure 4 000 pb en moyenne.
Lorsque les télomères sont trop courts, la shelterine ne peut plus s'y fixer et ils ne sont plus protégés. Par conséquent, ils ne peuvent plus protéger correctement les extrémités de l'ADN. Pour éviter une instabilité génétique, la cellule rentre en sénescence.
Pourtant, Élisabeth Blackburn et ses collaborateurs ont découvert, en étudiant des tetrahymena thermophila* , une enzyme qu’ils ont nommée télomérase capable de rajouter les nucléotides oubliés lors de la réplication. On trouve aussi cette enzyme dans certaines de nos cellules, mais pas dans toutes.
Cette enzyme est paradoxale : elle permet de lutter contre le vieillissement et certaines pathologies, mais d’un autre côté, elle favorise le développement des cellules cancéreuses. Le but de notre TPE sera de comprendre dans quelles mesures peut-on dire que la télomérase est à la fois Dr Jeckyll et Mr Hyde*.
Pour cela, nous vous invitons à lire notre première partie : Dr Jeckyll.